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AnimeLand: Monsieur Morimoto, bonjour! Depuis combien
de temps avez-vous commencé à travailler sur
informatique ?
J'ai commencé il n'y a pas si longtemps, vers 1994,
avec Magnetic Rose, le premier sketch de Memories.
Vous avez travaillé en 1984 sur Lensman, justement
l'un des premiers dessins animés qui intégraient
des images de synthèse. Est-ce là que vous avez
découvert l'informatique ?
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En effet, ce film comportait plusieurs images 3D, mais lorsque j'ai
vu le résultat final, et ce que ça donnait à
l'écran, l'utilisation de l'ordinateur m'a plus paru être
un inconvénient qu'autre chose. Le résultat n'était
vraiment pas convaincant et j'étais plutôt loin de me
douter, à l'époque, quelle utilisations nous pourrions
en faire plus tard.
Vous n'avez presque jamais réalisé de long-métrages,
et encore moins de séries TV. Pourquoi privilégiez-vous
les formats très courts (court-métrages, clips...) ?
La raison est assez simple: la technologie que j'utilise, et principalement
l'ordinateur, avance très vite. D'un mois à l'autre,
de nouveaux programmes et de nouvelles machines apparaissent et je
préfère toujours utiliser directement la technique la
plus avancée. De plus, les idées d'animation me viennent
en même temps que je découvre une nouvelle technique.
Il est très important de pouvoir réagir très
vite pour l'utiliser immédiatement, sans dépendre de
changements ou d'améliorations qui pourraient arriver en cours
de fabrication. Seuls les formats courts me permettent de m'essayer
à ces techniques, car vous ne pourrez jamais travailler de
cette manière sur une longue série où un film
qui demanderont des années de travail.
Vous avez souvent participé à des films comme
Robot Carnival ou ManieManie qui sont des "omnibus", des
successions de petites histoires. Pourquoi ?
Bien que ces films aient été réalisés
souvent de manières très différentes, ils sont
nés d'un petit groupe de dessinateurs qui s'intéressaient
beaucoup, dans les annces 8O, à un style souvent méconnu
du grand public japonais. Je pense notamment à toute une culture
de la science-fiction, et à la BD européenne, d'auteurs
comme MOEBIUS ou BILAL. Les producteurs du moment ne comprenaient
pas trop pourquoi nous nous y intéressions, et à défaut
de réaliser de grands films, nous avons chacun de notre côté
réalisé des court métrages sur les thèmes
qui nous plaisaient. Puis ces petits films ont été réunis
pour donner naissance à une série de sketches.
Au milieu de tous ces films un peu expérimentaux,
on trouve dans votre parcours un film assez différent destiné
aux enfants, Tobe ! Kujira no Peek (Peek la baleine blanche, édité
en France chez AK Vidéo). Pourquoi avez-vous réalisé
ce film ?
Je déteste travailler dans la routine ! À cette période,
on commençait à m'attendre sur de nouveaux dessins animés
plus ou moins de science-fiction, alors pour changer, je me suis engagé
sur ce film. C'était une sorte de réaction vis-à-vis
de la profession, pour montrer que j'étais aussi capable de
réaliser un film sans robots ni effets spéciaux.
Préférez-vous travailler sur une petite réalisation
comme un clip ou un court métrage, ou collaborer à un
grand film, aux côtés de grands réalisateurs comme
vous l'avez fait avec ÔTOMO sur Akira, ou encore MIYAZAKI sur
Majô no takkyûbin (Kiki's delivery service) ?
Je n'ai pas vraiment de préférence. J'adore travailler
sur des long-métrages mais effectivement, plus le format est
court, et plus vous êtes libre de faire ce que vous voulez.
Il est certain qu'un petit film permet beaucoup mieux d'affirmer sa
personnalité. Le long-métrage vous apporte, lui, tout
un équilibre et une manière de travailler avec les autres.
C'est important pour se familiariser avec les "échanges
sociaux" car dès qu'on passe à la réalisation
et qu'on dirige un projet, être un bon animateur ne suffit pas,
il faut aussi apprendre à diriger et savoir parler avec son
équipe. D'avoir travaillé sur des films comme Akira
ou Majô no takkyabin m'a énormément appris dans
ce sens, et me permettra peut-être de mieux aborder, un jour,
la réalisation d'un plus grand projet.
Quelle formation avez vous suivie pour devenir animateur
et qu'est-ce qui vous a motivé à faire ce métier
?
J'ai toujours été un passionné de cinéma
et je dessine depuis l'enfance. Mes parents ne voyaient pas cela d'un
très bon œil et au début, ils pensaient que ce
n'était qu'une distraction. Mais petit à petit, j'ai
commencé à penser que si je pouvais gagner ma vie tout
en dessinant, je serais vraiment comblé. Au moment d'entrer
à l'université, j'ai arrêté mes études
et je suis rentré directement dans la profession.
Sur quels dessins animés avez-vous débuté
?
Sur la seconde série télévisce d'Ashita no
Joe (Mr MORIMOTO commence alors à nous fredonner le générique...).
Que faites-vous en ce moment comme travail ?
J'ai surtout travaillé sur le projet de film du manga Amer
Béton dont vous avez pu voir le pilote à Annecy. Si
nous parvenons à trouver des financements en Europe et aux
États-Unis, ça devrait m'occuper pendant quelques années.
Pouvez-vous nous parler du clip Extra de Ken ISHII ? Comment
s'est passé le choix du scénario et des dessins ?
Déjà, il faut savoir que le premier morceau que l'on
m'avait fait écouter était très différent,
sur un rythme très régulier et monotone. J'ai d'abord
demandé à Ken ISHII s'il pouvait le modifier. Pour la
réalisation, j'étais entièrement libre. J'ai
beaucoup écouté le morceau, puis j'ai laissé
mon imagination me guider
à partir du son et du rythme de cette musique. Dans tous mes
films, j'attache toujours une grande importance à la musique,
c'est un élément tres important, car quelque soit le
pays, une musique dégage toujours la même émotion.
C'est un moyen de communication quasiment universel, quelque chose
auquel on peut avoir accès dès avant la naisance, avant
même de voir ou de parler.
D'ailleurs, je remarque que pour la musique, vous travaillez
souvent avec Yoko Kanno (Macross Plus, Escaflowne ...) Elle a composé
la BO de Memories, Noiseman, et cela ne nous a pas échappé,
les musiques de votre pilote d'Amer Béton ...
C'est exact, j'apprécie enormement ce qu'elle fait, aussi
bien en classique que dans ses compositions les plus modernes. Cela
rejoint ce que je vous disais : le choix de la musique tient un place
importante dans ce que je fais.
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Interview par Olivier Fallaix et Ilan Nguyên