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[ Interview Animeland n°53 - Annecy 1999]

AnimeLand: Monsieur Morimoto, bonjour! Depuis combien de temps avez-vous commencé à travailler sur informatique ?

J'ai commencé il n'y a pas si longtemps, vers 1994, avec Magnetic Rose, le premier sketch de Memories.

Vous avez travaillé en 1984 sur Lensman, justement l'un des premiers dessins animés qui intégraient des images de synthèse. Est-ce là que vous avez découvert l'informatique ?

En effet, ce film comportait plusieurs images 3D, mais lorsque j'ai vu le résultat final, et ce que ça donnait à l'écran, l'utilisation de l'ordinateur m'a plus paru être un inconvénient qu'autre chose. Le résultat n'était vraiment pas convaincant et j'étais plutôt loin de me douter, à l'époque, quelle utilisations nous pourrions en faire plus tard.

Vous n'avez presque jamais réalisé de long-métrages, et encore moins de séries TV. Pourquoi privilégiez-vous les formats très courts (court-métrages, clips...) ?

La raison est assez simple: la technologie que j'utilise, et principalement l'ordinateur, avance très vite. D'un mois à l'autre, de nouveaux programmes et de nouvelles machines apparaissent et je préfère toujours utiliser directement la technique la plus avancée. De plus, les idées d'animation me viennent en même temps que je découvre une nouvelle technique. Il est très important de pouvoir réagir très vite pour l'utiliser immédiatement, sans dépendre de changements ou d'améliorations qui pourraient arriver en cours de fabrication. Seuls les formats courts me permettent de m'essayer à ces techniques, car vous ne pourrez jamais travailler de cette manière sur une longue série où un film qui demanderont des années de travail.

Vous avez souvent participé à des films comme Robot Carnival ou ManieManie qui sont des "omnibus", des successions de petites histoires. Pourquoi ?

Bien que ces films aient été réalisés souvent de manières très différentes, ils sont nés d'un petit groupe de dessinateurs qui s'intéressaient beaucoup, dans les annces 8O, à un style souvent méconnu du grand public japonais. Je pense notamment à toute une culture de la science-fiction, et à la BD européenne, d'auteurs comme MOEBIUS ou BILAL. Les producteurs du moment ne comprenaient pas trop pourquoi nous nous y intéressions, et à défaut de réaliser de grands films, nous avons chacun de notre côté réalisé des court métrages sur les thèmes qui nous plaisaient. Puis ces petits films ont été réunis pour donner naissance à une série de sketches.

Au milieu de tous ces films un peu expérimentaux, on trouve dans votre parcours un film assez différent destiné aux enfants, Tobe ! Kujira no Peek (Peek la baleine blanche, édité en France chez AK Vidéo). Pourquoi avez-vous réalisé ce film ?

Je déteste travailler dans la routine ! À cette période, on commençait à m'attendre sur de nouveaux dessins animés plus ou moins de science-fiction, alors pour changer, je me suis engagé sur ce film. C'était une sorte de réaction vis-à-vis de la profession, pour montrer que j'étais aussi capable de réaliser un film sans robots ni effets spéciaux.

Préférez-vous travailler sur une petite réalisation comme un clip ou un court métrage, ou collaborer à un grand film, aux côtés de grands réalisateurs comme vous l'avez fait avec ÔTOMO sur Akira, ou encore MIYAZAKI sur Majô no takkyûbin (Kiki's delivery service) ?

Je n'ai pas vraiment de préférence. J'adore travailler sur des long-métrages mais effectivement, plus le format est court, et plus vous êtes libre de faire ce que vous voulez. Il est certain qu'un petit film permet beaucoup mieux d'affirmer sa personnalité. Le long-métrage vous apporte, lui, tout un équilibre et une manière de travailler avec les autres. C'est important pour se familiariser avec les "échanges sociaux" car dès qu'on passe à la réalisation et qu'on dirige un projet, être un bon animateur ne suffit pas, il faut aussi apprendre à diriger et savoir parler avec son équipe. D'avoir travaillé sur des films comme Akira ou Majô no takkyabin m'a énormément appris dans ce sens, et me permettra peut-être de mieux aborder, un jour, la réalisation d'un plus grand projet.

Quelle formation avez vous suivie pour devenir animateur et qu'est-ce qui vous a motivé à faire ce métier ?

J'ai toujours été un passionné de cinéma et je dessine depuis l'enfance. Mes parents ne voyaient pas cela d'un très bon œil et au début, ils pensaient que ce n'était qu'une distraction. Mais petit à petit, j'ai commencé à penser que si je pouvais gagner ma vie tout en dessinant, je serais vraiment comblé. Au moment d'entrer à l'université, j'ai arrêté mes études et je suis rentré directement dans la profession.

Sur quels dessins animés avez-vous débuté ?

Sur la seconde série télévisce d'Ashita no Joe (Mr MORIMOTO commence alors à nous fredonner le générique...).

Que faites-vous en ce moment comme travail ?

J'ai surtout travaillé sur le projet de film du manga Amer Béton dont vous avez pu voir le pilote à Annecy. Si nous parvenons à trouver des financements en Europe et aux États-Unis, ça devrait m'occuper pendant quelques années.

Pouvez-vous nous parler du clip Extra de Ken ISHII ? Comment s'est passé le choix du scénario et des dessins ?

Déjà, il faut savoir que le premier morceau que l'on m'avait fait écouter était très différent, sur un rythme très régulier et monotone. J'ai d'abord demandé à Ken ISHII s'il pouvait le modifier. Pour la réalisation, j'étais entièrement libre. J'ai beaucoup écouté le morceau, puis j'ai laissé mon imagination me guider
à partir du son et du rythme de cette musique. Dans tous mes films, j'attache toujours une grande importance à la musique, c'est un élément tres important, car quelque soit le pays, une musique dégage toujours la même émotion. C'est un moyen de communication quasiment universel, quelque chose auquel on peut avoir accès dès avant la naisance, avant même de voir ou de parler.

D'ailleurs, je remarque que pour la musique, vous travaillez souvent avec Yoko Kanno (Macross Plus, Escaflowne ...) Elle a composé la BO de Memories, Noiseman, et cela ne nous a pas échappé, les musiques de votre pilote d'Amer Béton ...

C'est exact, j'apprécie enormement ce qu'elle fait, aussi bien en classique que dans ses compositions les plus modernes. Cela rejoint ce que je vous disais : le choix de la musique tient un place importante dans ce que je fais.

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Interview par Olivier Fallaix et Ilan Nguyên